Fondée en 2009, la Coalition pour l’histoire vise à promouvoir l’enseignement de l’histoire à tous les ordres d’enseignement, du primaire à l’université, afin de permettre aux jeunes Québécois et Québécoises de toutes origines d’acquérir une meilleure connaissance de l’histoire du Québec, du Canada, de celle du monde occidental et non occidental. En clair, la Coalition juge que l’histoire est insuffisamment et même inadéquatement enseignée, de sorte qu’elle ne peut pas pleinement jouer son rôle de matière fondamentale consistant à former des citoyens éclairés, conscients de leurs droits et de leur identité et préparés à jouer un rôle actif et positif dans le Québec de demain.
Principales recommandations
1. Miser sur l’histoire locale au niveau primaire
À l’heure actuelle, le contenu historique est effleuré au niveau du primaire à la hauteur d’une heure par semaine de « temps non réparti » et donc laissé à la discrétion de l’enseignant(e). Suivant le programme, il s’agit d’aborder l’histoire par le biais de dates et de lieux arbitraires portant sur des réalités sociales étrangères à celle où évolue l’enfant. En conséquence, cette formule ne permet pas à l’enfant de se situer historiquement par rapport à son milieu de vie immédiat. Par exemple, étudier « Les impacts de l’impérialisme d’un pays européen sur des populations d’Afrique au XIXe siècle. » Les consultations menées par la Coalition sont pourtant unanimes sur l’importance d’initier le jeune à l’histoire de sa communauté d’enracinement et à un passé à la mesure de sa propre mémoire généalogique. Il importe aussi que le jeune puisse associer les figures historiques évoquées lors de l’apprentissage avec des éléments présent dans son milieu de vie, tant à l’échelle locale que nationale, notamment par le biais de la toponymie.
- Que le programme d’enseignement de l’histoire au niveau primaire initie davantage l’élève à l’histoire locale et régionale, ainsi qu’aux grandes figures historiques fondatrices de son milieu.
- Que l’enrichissement du programme d’enseignement de l’histoire au primaire se fasse en collaboration avec les agents du milieu et en misant sur l’expertise des sociétés d’histoire locales et régionales membres de la Fédération Histoire Québec.
2. Enrichir la formation disciplinaire des futurs enseignants
La Coalition pour l’histoire est d’avis qu’une bonne enseignante ou un bon enseignant est d’abord celle ou celui qui connaît bien sa matière et qui sait la transmettre avec passion. Pourtant, le Baccalauréat en enseignement au secondaire – profil Univers social accorde la part du lion à des cours de didactique, de psychopédagogie et des sciences de l’éducation. Seul le tiers des cours suivis concerne la formation disciplinaire des futurs enseignant(e)s, soit l’histoire et la géographie. Le constat est particulièrement dramatique à propos de l’histoire du Québec et du Canada où les futurs enseignant(e)s ne suivent que trois ou quatre cours, dont deux seulement sont obligatoires. En d’autres mots, des enseignant(e)s n’auront suivi que 90 heures de cours d’une matière qu’ils devront ensuite distiller au fil de 200 heures à leurs élèves du secondaire. La formation disciplinaire de ces enseignant(e)s est largement insuffisante et hypothèque gravement la qualité de la formation en histoire au secondaire.
- Que le volet disciplinaire du Baccalauréat en enseignement au secondaire - Univers social consacre la moitié des cours obligatoires à la formation disciplinaire en histoire et en géographie.
- Que la formation des maîtres prévoit six cours obligatoires consacrés à l’histoire du Québec et du Canada, pour que les futurs enseignant(e)s soient en mesure de bien maîtriser les connaissances de base du programme Histoire du Québec et du Canada.
3. Permettre aux diplômé(e)s universitaires en histoire de devenir enseignant(e)s au secondaire
L’école québécoise fait présentement face à une pénurie d’enseignant(e)s qualifié(e)s. Pire encore, l’embauche de futurs enseignant(e)s est frappée d’incohérence tandis que, d’un côté, on embauche sur une base temporaire des personnes sans formation universitaire et que, de l’autre, on refuse toujours l’accès à la profession à des diplômé(e)s universitaires qualifié(e)s dans l’une ou l’autre des matières enseignées au secondaire.
La Coalition propose que le MEES assouplisse les règles d’accès à la profession pour permettre aux candidat(e)s qui disposent d’un diplôme universitaire en histoire ou en géographie d’être embauché(e)s dans une école québécoise de niveau secondaire, moyennant une formation d’appoint d’un an en pédagogie, laquelle sera assortie d’un stage en milieu d’enseignement.
- Assouplir la filière de la formation des maîtres pour que les détenteurs d’un baccalauréat disciplinaire en histoire ou en géographie puissent accéder à la carrière d’enseignant(e), conditionnelle à la réussite d’une formation d’appoint de deux sessions en pédagogie, assortie d’une activité de stage rémunéré.
4. Que le nouveau cours de Culture et citoyenneté québécoise assure seul la compétence de citoyenneté
Depuis 2017, la poursuite de la compétence d’éducation à la citoyenneté n’est plus centrale dans le cours Histoire du Québec et du Canada. Cependant, cette compétence demeure omniprésente au sein du programme d’Univers social. La Coalition pour l’histoire note que l’atteinte de cette compétence est très variable d’une école à l’autre et continue à peser sur la prestation d’éléments de connaissance en histoire.
Le gouvernement ayant annoncé la création d’un nouveau cours intitulé Culture et citoyenneté québécoise (CCQ) pour remplacer celui d’Éthique et culture religieuse (ECR) du primaire à la fin du secondaire, la Coalition est d’avis que le nouveau cours de Culture et citoyenneté soit responsable d’évaluer l’atteinte de la compétence « éducation à la citoyenneté ».
- Que le nouveau cours de Culture et citoyenneté soit responsable d’évaluer l’atteinte de la compétence « éducation à la citoyenneté ».
5. Un cours d’histoire obligatoire au cégep à la formation générale
Au sortir du secondaire, les connaissances des élèves québécois demeurent incomplètes, notamment en ce qui concerne la période allant de 1960 à nos jours. À ce sujet, bon nombre d’enseignant(e)s d’Univers social ont témoigné manquer de temps en classe pour aborder cette période.
En arrivant au cégep, l’étudiant(e) est rattrapé(e) par une foule de réalités propres à son statut de jeune adulte : quitter le domicile parental, exercer son droit de vote, affirmer ses droits, participer à des mouvements sociaux et prendre des décisions engageant l’avenir du Québec. À l’heure actuelle, la formation collégiale offre peu d’outils à l’étudiant(e) afin qu’il puisse, en s’appuyant sur le passé récent de la société québécoise, se préparer à y jouer un rôle actif et positif. Un cours d’histoire du Québec depuis la Révolution tranquille doit permettre aux finissant(e)s du cégep de comprendre l’évolution récente des sociétés québécoises et canadiennes afin d’être partie prenante dans les enjeux de l’heure.
- Qu’on implante le plus tôt possible un cours d’histoire du Québec contemporain dans la formation générale commune au cégep.
6. Des chaires d’histoire du Québec
Chaque année, le gouvernement fédéral dépense environ 100 M$ dans des chaires de recherche au Québec, dont les travaux visent l’atteinte d’objectifs déterminés par le Canada. Le Québec, pourtant maître d’œuvre en matière d’éducation, ne dispose pas d’outils comparables, de telle sorte que des champs de recherche fondamentaux pour la connaissance de notre passé, notamment en histoire politique, demeurent inexplorés depuis des lustres dans les universités québécoises. Voilà pourquoi la Coalition pour l’histoire juge urgent que le Québec soutienne la recherche universitaire dans certains champs qui intéressent le grand public et qui requièrent un renouvellement des connaissances.
- Que le gouvernement du Québec crée quatre chaires de recherches en histoire du Québec dans des universités québécoises.
- Que ces chaires d’histoire du Québec portent sur des événements charnières de notre histoire et des repères collectifs, tels que la fondation de la Nouvelle-France, la Conquête de 1760, les rébellions de 1837-1838 ou la Révolution tranquille des années 1960.
- S’assurer que ces chaires fassent rayonner leurs travaux notamment auprès du grand public, à l’intérieur et hors des cercles universitaires, et qu’elles collaborent avec les organismes déjà engagés dans la préservation et la mise en valeur de l’histoire nationale.
- S’assurer que ces chaires offrent des bourses d’étude aux étudiant(e)s à la maîtrise.
7. Davantage d’histoire du Québec au petit et au grand écran
Depuis plusieurs années, la Coalition réfléchit au meilleur moyen de mettre en valeur l’histoire du Québec au cinéma, à la télévision et sur les plateformes numériques, autant par le biais d’œuvres de fiction ou documentaires. Si les sujets dignes d’intérêt ne manquent pas, ce sont surtout les moyens financiers qui font défaut pour assurer une meilleure place à notre histoire au petit et au grand écran.
- Que la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) crée un programme particulier visant à soutenir financièrement le cinéma et les séries historiques portant sur le Québec, autant en fiction qu’en documentaire, pour favoriser la création québécoise dans ce domaine.
8. Pour une politique des commémorations nationales
L’actualité illustre quotidiennement les inconvénients engendrés par l’absence d’une politique nationale des commémorations au Québec. Quelle personnalité doit faire l’objet de funérailles nationales ? La Fête nationale doit-elle faire l’objet d’un protocole particulier ? Qui doit intervenir quand un trésor patrimonial est en péril ? Quels anniversaires d’envergure nationale doivent être soulignés par l’État ?
La Coalition salue la Stratégie québécoise de commémoration dévoilée en juin 2022 par le ministère de la Culture et des Communications. Nous déplorons cependant que cette initiative et ses axes d’intervention n’aient pas été publicisés à leur juste valeur. Nous souhaiterions que les organismes publics et privés, les experts, ainsi que les universitaires pertinents soient étroitement impliqués à la mise en œuvre d’une telle politique et que les sommes engagées dans les projets pilotes soient rapidement pérennisées.
- Publiciser la Stratégie québécoise de commémorations auprès des experts, des acteurs publics et privés de l’histoire, de la commémoration et du patrimoine, ainsi que du grand public.
- Mettre en œuvre sans délai les actions posées dans le cadre de cette Stratégie, notamment en matière d’action gouvernementale.
- Pérenniser le soutien offert aux initiatives citoyennes et aux municipalités et à la réalisation de gestes commémoratifs dans toutes les régions du Québec.
9. Protéger et mettre en valeur les archives québécoises
Selon la Déclaration universelle sur les archives (UNESCO, 2011), les archives « constituent un patrimoine unique et irremplaçable transmis de génération en génération. [Elles] servent la transparence administrative, concourent à la constitution de l’identité collective et permettent l’accroissement des connaissances ». Or, la gestion des archives québécoises peut reposer sur des professionnel(le)s ou des bénévoles. Bien qu’entièrement dévoué(e)s, ce personnel doit faire face à de nombreux défis en ce qui concerne l’acquisition, le traitement, la diffusion ou la pérennisation des archives numériques. La Coalition est d’avis que les Archives nationales (BAnQ) doivent être le maître d’œuvre d’un mouvement de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine archivistique du Québec d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
- Que les Archives nationales (BAnQ) reçoivent de l’État québécois les moyens et les ressources financières et matérielles pour que cette institution nationale soit en mesure d’exécuter ses mandats actuels et futurs ;
- Que les services d’archives privées agréés de toutes les régions du Québec, partenaires essentiels du réseau des Archives nationales, se voient accorder une aide financière ou technique adéquate ;
- Que les archives des institutions et des communautés religieuses du Québec soient protégées et que leur accès soit favorisé.