Opinion de Adèle Clapperton-Richard et Marie-Hélène Brunet, Ph.D, respectivement candidate à la maîtrise en histoire à l'UQAM et professeure à la Faculté d’éducation de l'Université d’Ottawa, dans Le Devoir, 11 mars 2017.
L'article de Jean-François Nadeau « L’histoire invisible des femmes », paru le 4 mars dernier, est venu souligner le fait que la reconnaissance et la place des femmes dans l’histoire, mais aussi dans la société, sont loin d’être gagnées et valorisées de manière juste. La question soulevée dans son texte, celle d’une écriture de l’histoire qui serait différente, pour mieux parler des femmes, apparaît tout à fait légitime. […] Seulement, il nous semble que la présentation individualisée de cinq femmes — Éva Circé-Côté, Harriet Brooks, Ethel Stark, Albertine Lapensée et Eva Tanguay — dans le dossier « Les grandes oubliées » vient en quelque sorte contredire cette volonté de « considérer l’histoire des femmes autrement », comme le plaide Micheline Dumont.
Si l’on part de cette prémisse du primat de l’individu et de l’intention de la déconstruire dans l’écriture historienne, la présentation de la destinée exceptionnelle de quelques femmes vient-elle pallier leur invisibilisation dans l’histoire ? Et surtout, n’assistons-nous pas ici au placage de la même rhétorique, c’est-à-dire celle de la révélation, celle des grands hommes héroïques, des destinées qu’on croit uniques, ou qu’on considère comme porteuses du changement historique ? Peut-on en arriver à dépasser ce simple « saupoudrage » des femmes dans l’histoire ?
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