Du bon usage de l'histoire

Article d'Historia.fr

« Et toi, tu fais quoi ? – Une thèse sur les chevaliers paysans du lac de Paladru en l’an mil. – Ah ! Et il y a des gens que ça intéresse ? » Dans cet échange, extrait du film d’Alain Resnais, On connaît la chanson, Agnès Jaoui, étudiante en histoire, est face à un Jean-Pierre Bacri moqueur. Parce que, l’Histoire, ça ne sert à rien : litanie de dates, fatras de connaissances dont on encombre les esprits. Pourtant, tout le monde a en tête le professeur d’histoire qui vous faisait revivre la montée à la guillotine de Louis XVI : vous y étiez, vous entendiez les roulements de tambour pendant que le citoyen Capet cherchait à se faire entendre…

Reconnaissons-le, l’histoire, comme la poésie, la littérature, la musique, le cinéma, cela ne sert à rien ; cela n’empêche pourtant personne de vouloir en faire. Alors, pourquoi réduirait-on la place de l’Histoire dans l’enseignement ? Peut-être qu’en haut lieu on n’aime pas l’Histoire, pas plus que La Princesse de Clèves…

En fait, la question de l’utilité de l’Histoire n’est plus à prouver.

Devenue discipline universitaire, l’histoire a d’abord prospéré au soleil du positivisme, imposant l’exposé des faits comme celui de « la » vérité. Professionnel de l’exactitude, l’historien avait mission de révéler, dévoiler. Devenue science, elle dérive loin des témoignages qui relèvent, disait-on, de la mémoire imparfaite, partisane. Pourtant, plus l’Histoire devient savante, plus les récits de vie se multiplient : J’étais médecin à Diên Biên Phu, Prisonnier des Viêts, etc.

L’Histoire entre certitudes et inquiétude, Roger Chartier explique que l’Histoire, chaos d’événements, est avant tout le récit ordonné que l’on en fait. L’événement sidère, le récit rassure, évoque les disparus, conjure les incertitudes. Très petite lampe tempête dans les fracas du temps. Indispensable, en fait.